Permettez-moi de vous partager ce qui fait ma plus grande tristesse ces jours-ci.
Figurez-vous que ce n’est même pas le maintien de l’interdiction des cultes publics après le 11 mai en France. Evidemment, c’est incompréhensible : le gouvernement va ouvrir les commerces jusqu’à 40 000 m2, c’est-à-dire plus de 8 fois la superficie de Notre-Dame de Paris, et en même temps il méprise les propositions concrètes et mesurées des évêques pour les célébrations des messes à effectifs réduits dans les meilleures conditions sanitaires (https://fr.aleteia.org/2020/04/21/messes-mariages-pelerinages-les-propositions-des-eveques-au-gouvernement-covid-19-deconfinement/). Le catholicisme étant la seule religion sacramentelle, nous sommes – et de loin – les plus impactés par cette décision. Les catholiques ont besoin de se réunir pour la messe et pour communier. Une confession ne peut pas non plus se faire à distance. Un Juif, lui, célèbre le sabbat à la maison : c’est une liturgie familiale. Le musulman fait un repas festif les soirs de ramadan, chez lui, pas à la mosquée. Un protestant prie à partir de la bible et du prêche du pasteur, la « cène » n’est qu’un symbole, d’ailleurs absent chez certains.
On hésitera pour interpréter cette interdiction des cultes, inédite depuis la révolution française, entre incapacité à prendre en compte la dimension religieuse de l’homme, et hostilité délibérée. Sans doute un peu des deux…
On pourra aussi écouter la réaction de Mgr Rougé, évêque de Nanterre : https://youtu.be/0daMdvaykeI
Non, ce qui me fait le plus mal comme prêtre, ma plus grande amertume, c’est de me rendre compte qu’en fait, beaucoup de catholiques pratiquants ne sont finalement pas tellement gênés par cette décision gouvernementale. Non pas au niveau de la vision politique : on peut en débattre, la question n’est pas là. Mais au niveau spirituel : ils n’ont pas faim et soif de communier. La peur, qui ne les empêche pourtant pas de faire leurs courses, a étouffé leur foi sacramentelle. Evidemment, une personne âgée et malade de 80 ans qui se fait livrer ses courses ne va pas retourner à la messe. Mais elle pourrait quand même recevoir la communion à domicile. Je parle ici de personnes « dans la force de l’âge », qui sortent tous les jours… Jésus est devenu la « 5e roue du carrosse » dont on peut finalement bien se passer. Une messe à la télévision, finalement, ce serait aussi bien…
Si j’ai donné ma vie comme prêtre, en particulier dans le célibat (et je vous renvoie au livre de Benoît XVI « Des profondeurs de nos coeurs »), c’est pour le Corps du Christ : pour Jésus, pour l’Eucharistie, pour l’Eglise rassemblée réellement, et non virtuellement.
Un nombre incalculable de martyrs, tout au long de l’histoire du christianisme et sur tous les continents, a versé son sang pour pouvoir communier. Grâce à Dieu, nous n’en sommes pas encore là en France aujourd’hui. Mais justement!!!! Quelle est la force de notre désir eucharistique? J’ai peur que, quand on pourra de nouveau célébrer la messe en public, nous n’ayons perdu plus de la moitié des fidèles…
Pour terminer, je cède la parole à Benoît XVI dans une homélie prononcée en 2005 où il parle des martyrs d’Abitène. Vous trouverez le texte ici : https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2005/documents/hf_ben-xvi_hom_20050529_bari.pdf. Alors que les messes étaient interdites sous peine de mort, ils se sont quand même réunis. Pourquoi? Leur réponse : « Sine dominico non possumus » : sans l’Eucharistie du dimanche, nous ne pouvons pas vivre.